Le Van Gogh Letters Project est une initiative du Musée Van Gogh d’Amsterdam ayant débuté il y a maintenant 23 ans, en 1990. Dans le cadre du centenaire de la mort de l’artiste, ils entreprennent de traduire entièrement les correspondances du peintre en anglais afin de les rendre accessible à un public plus large. L’idée était de rendre possible et stimuler la recherche autour du peintre, les traductions précédentes s’étant révélées souvent incomplètes. Ils s’associent donc avec la Huygens Institute of the Royal Netherlands Academy of Arts and Science afin de refaire entièrement la traduction et la compléter d’annotations pour chacune des lettres et une introduction. Leur mission: rendre accessible internationalement les correspondances, tout en s’assurant qu’elles témoignent de l’état actuel des recherches sur l’artiste.
En 2004, le constat des possibilités offertes par les médias numériques pousse les auteurs à choisir de publier leur travail sur le web. La plateforme permet selon eux de mieux répertorier la grande masse d’information rassemblée et offre au visiteur de choisir son approche des lettres, pouvant varier le classement.
Deux sites répertorient actuellement les correspondances: vangoghletters (site officiel du projet) et le site WebExhibits, qui propose les Van Gogh’s letters, unabridged and annoted dans le cadre d’un projet de musée en ligne sur divers sujet.
Van Gogh et la place des correspondances
“The letters are the window to Van Gogh’s universe*.“
On ne pourrait nier ce que les gens à l’initiative du projet affirment: ces lettres offrent un accès exclusif à l’univers du peintre. Le site nous apprend que les premières correspondances datent de 1872, entre lui et son frère Theo Van Gogh. Bien qu’au départ assez formelles, elles nous fournissent des indices sur les préoccupations de l’artiste comme son amour de la nature. On voit aussi l’évolution, à partir de 1879, de sa ferveur religieuse. En effet, il fait de plus en plus de citations de la Bible dans ses écrits, qui devient pour lui une référence selon laquelle considérer la vie.Van Gogh devient avec les années moins réservé dans ses écrits, et c’est à ce moment qu’ils prennent toute leur importance pour les chercheurs. Nous pouvons y trouver des descriptions subjectives de ce qui l’entoure, sa décision de devenir peintre et surtout une expression sincère et pure d’un homme se confiant à son frère pour se délivrer de pensées qui lui pesaient trop souvent. Vangoghletters retrace la genèse de ce grand artiste, qui révèle dans ses écrits comment il a commencé à travailler le dessin à la craie et au crayon lithographique, ses tâtonnements, ses désirs d’être un peintre de paysan qui évolueront au peintre moderne que nous connaissons aujourd’hui.
C’est grâce à son frère Theo Van Gogh que nous pouvons aujourd’hui consulter ces lettres. Il a conservé consciencieusement toutes les lettres qu’il recevait, puis celles de sa mère. Les correspondances de certaines périodes restent introuvables et les auteurs suggèrent que ce pourrait être en raison de leur caractère intime ou qu’elles auraient été révélatrices des conflits existant entre le peintre et sa famille. Il était lui-même moins soucieux de conserver les écrits qu’il recevait. La plupart de ceux qui existent aujourd’hui avaient été renvoyés à son frère.
*Les lettres sont la fenêtre menant vers l’univers de Van Gogh
Le mode de classement et de recherche
Une des forces du site du Van Gogh Museum est sans doute les différents types de classement proposés. L’internaute peut ainsi choisir entre un recensement des lettres par période, par auteur de la lettre, par lieu d’écriture et peut même choisir de ne voir que les lettre présentant des croquis, gribouillages de l’artiste. Ce type de classement pourrait convaincre les plus réfractaires à l’outil numérique: jamais un livre ne pourra être aussi souple dans son utilisation par le lecteur. Le site web s’adapte aux besoins de la recherche faite par le lecteur.
Nous pouvons ainsi sélectionner une période déterminée, par exemple celle allant de Janvier 1877 au 30 avril 1877, alors que Van Gogh se trouvait à Dordrecht. Le classement par présence de dessins ou non est plus difficile à maitriser puisque rien n’est subdivisé dans cette catégorie. Le lecteur doit donc savoir au préalable quelle période ou destinataire l’intéresse et voir éventuellement s’il existe une lettre comportant des esquisses.
Le moteur de recherche est lui aussi très fonctionnel, nous permettant d’accéder très rapidement à une lettre dont nous connaissons déjà le numéro. Les options avancées sont aussi très poussées et versatiles: recherches dans les annotations, le texte, la bibliographie ou encore une référence biblique, à une œuvre, à un de ses contemporains, etc.
La présentation des lettres
Affichage simultané de la version traduite du texte et de la numérisation, capture d’écran de Vincent Van Gogh, the Letters, disponible sur http://vangoghletters.org, consulté le 15 mars 2013
Affichage des annotations sur le texte, capture d’écran de Vincent Van Gogh, the Letters, disponible sur http://vangoghletters.org, consulté le 15 mars 2013
L’équipe derrière le projet du Van Gogh Museum a su mobiliser de manière impressionnante le support numérique. Il est possible de consulter chaque document de diverses manière sur un interface double. Ainsi, l’internaute a accès à une traduction en anglais de la lettre, le texte original en néerlandais, une numérisation, le texte original repris ligne par ligne et finalement les œuvres qui y sont associées. Il pourra mettre côte à côte les deux versions qu’il désire consulter, le tout dans un environnement très intuitif. Il est possible d’agrandir les images et le procédé est rapide et cela malgré une grande qualité.
Une alternative: Van Gogh Letters, unabridged and annoted par Webexhibits
Le site WebExhibits est moins versatile au niveau du classement des lettres mais présente une possibilité intéressante. L’intérêt de celui-ci se trouve dans le fait qu’ils aient créé plusieurs catégories thématiques de Tags. Ainsi, en sélectionnant par exemple Agoraphobie, plusieurs lettres sont proposées et les passages pertinents pour le tag choisi sont mis en surbrillance. Il devient donc extrêmement facile de trouver un propos de Van Gogh qui illustre ce que l’on souhaite démontrer, ce qui est particulièrement intéressant pour les étudiants et les chercheurs.
Au-delà de ce système, le site reste très annexe par rapport à la mine d’or qu’est le site originel du projet. Plusieurs lettres sont manquantes, seul le texte traduit en anglais est proposé et cela sans image. Le moteur de recherche est très limité (impossible de chercher une lettre précise en ayant la date par exemple). Quant aux annotations promises par le titre, le lecteur sera forcé de constater qu’il n’y en a aucune! En somme, vu la grande qualité du site web Van Gogh Letters, l’entreprise de WebExhibits devient presque obsolète.
Nous avons donc été impressionnées par la grande qualité et l’ampleur du projet déployé autour des correspondances de Van Gogh. Il est rarement possible d’accéder à autant de sources premières sur un artiste, et ce de manière complètement gratuite et accessible. Au-delà d’une simple banque de données de documents graphiques, le musée est allé jusqu’à rendre accessible toute la recherche développée autour de ces derniers et une version numérique des volumes qu’ils pensaient publier au départ. L’outil est précieux et permet de se rapprocher de manière de l’intimité du peintre au fil des années et de rapprocher éventuellement ces observations de ce qu’il a peint à la même époque.
Par Marianne Breault_____
Leo Jansen, Hans Luijten et Nienke Bakker, Vincent Van Gogh The Letters, [En ligne], Disponible sur http://www.vangoghletters.org/vg/, (Consulté le 3 mars 2013)
Micheal Douma (dir.), “Van Gogh’s Letters”, Webexhibits, [En ligne], Disponible sur http://www.webexhibits.org/vangogh/, (Consulté le 3 mars 2013)